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© L'Association

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Désoeuvré
ScénarioTrondheim Lewis
DessinTrondheim Lewis
CouleursNoir et Blanc
Année2005
EditeurL'Association
CollectionEprouvette
SérieOne-shot !
Bullenote [détail]

 

4 avis

tom pouce
"Ha ha je le savais! Je lui donnais pas six mois avant de dessiner à nouveau!". C'est le genre de phrase qu'on a pu entendre ça et là à la sortie de ce Désoeuvré de Lewis Trondheim. Mais là où se gourrent tous ces je-le-savais-avant-tout-le-monde c'est qu'il n'a jamais dit qu'il arrêtait totalement et définitivement. Il s'agissait à l'époque de prendre du recul par rapport à une activité un peu trop gourmande en temps et avant de tomber dans un statut de faiseur plutôt que d'auteur.
Le point de départ de ce livre est un bilan sur cette pause après 80 jours de grève du dessin (Ha ha je savais qu'il ne tiendrait vraiment pas longtemps!) et un retour sur les raisons qui ont motivé ce choix. Lewis nous parle de l'angoisse de l'auteur mais en sortant du cliché de celle de la page blanche. Qu'est ce qui fait qu'un auteur reste bon avec l'âge et se renouvelle au lieu de se complaire dans certains automatismes d'écriture, au risque de mécontenter son lectorat. Bref, il essaie de répondre à la question de savoir si les auteurs de bande dessinée vieillissent forcément mal, crise de la quarantaine quand tu nous tiens. Désoeuvré est d'ailleurs sous-titré Essai et ce, à juste titre puisqu'au bout de quelques pages on sort de l'autobiographie "classique" comme il a pu l'éprouver dans ses Carnets pour monter d'un cran vers une analyse un peu plus poussée sur ce thème et plus uniquement centrée sur lui même. Il soumet alors ses interrogations à ses collègues dessinateurs qui en retour lui donnent leur point de vue et leur expérience propre du vieillissement dans le milieu de la création en bande dessinée. On croise ainsi Baudoin, Sfar, Gotlib, Ptiluc, Moebius et d'autres dont Yvan Delporte, figure de la bande dessinée franco-belge avec qui se crée un échange riche en anecdotes et qui fait pas mal avancer le schmilblick.
Sans tomber dans la lourdeur, Désoeuvré défriche le sujet et reste accessible au commun des non-dessinateurs professionnels. On plonge dans ces angoisses d'artistes plutôt inédites et on prend du recul par rapport à la soi-disant facilité collée sur le dos du neuvième art comme un poisson d'avril rigolard, "Ah vous dessinez des conneries quoi" pour reprendre les propos d'un chauffeur de taxi de Charles Berbérian qui ne se doute pas qu'il est désormais célèbre.
Désoeuvré a le mérite de ne pas se prendre pour ce qu'il n'est pas, c'est un essai, pas une thèse, nul doute qu'il reste beaucoup à faire pour faire le tour du sujet, ne serait-ce qu'en interrogeant maintenant les faiseurs qui doivent quand même se poser des questions non? Allez Lewis, reprends les crayons.

PS: Je ne peux, une fois encore, que féliciter JC Menu pour cette nouvelle collection, c'est un très bel objet.
Matt Murdock
L'Association a sorti une nouvelle collection, Eprouvette, dont les premiers titres ont été présentés à l'occasion du dernier festival d'Angoulême. Le premier titre que j'ai lu est Désoeuvré de Lewis Trondheim, un album où l'auteur, après une longue pause qui a bien failli annoncer la fin de sa carrière de dessinateur, s'interroge sur la façon dont les auteurs de BD vieillissent. En partant du postulat que les auteurs de BD vieillissent forcément mal, Trondheim part à leur rencontre afin de savoir comment ça fait de vieillir quand on est dessinateur de BD.

Trondheim ne répond pas vraiment à sa question, mais en même temps, on ne lui en veut pas, la réponse aurait été 1) chiante et digne des magazines de pyscho à deux balles 2) mais aurait permis à Trondheim d'atteindre la postérité en devenant celui qui trouvé une solution à la fameuse « crise de la quarantaine ». Car c'est bien de cela que Trondheim parle, de la crise de la quarantaine, certains auteurs de BD s'en sortent bien, comme Moebius qui a su continuellement se renouveler, où encore Tibet qui prend toujours autant de plaisir à faire les mêmes séries. Mais aussi d'autres finissent mal, à commencer par Franquin devenu complètement dépressif, ou encore Gotlib qui a été épuisé par la création de Fluide Glacial. Tout le petit monde de la BD y passe aussi, notamment des auteurs de la génération de Trondheim, comme Sfar ou Blain, qui travaille énormément avec le désir et le plaisir quasi-sexuel de faire de la BD, ou encore Menu, qui fait quelques comparaisons avec l'univers musical. Bref beaucoup de témoignages, ce qui constitue l'intérêt premier de cette BD, au-delà du sujet en lui-même, car on sait bien qu'elle frappe à tout le monde cette fameuse « crise de la quarantaine », et qu'il n'y a pas vraiment de réponse à cela.

Au niveau du style et des dessins, Trondheim est dans la prolongation de ses Carnets édités à l'Association dans la collection Côtelette, les fans de Trondheim apprécieront donc son style minimaliste reconnaissable entre mille. Trondheim se permet même quelques interludes où ses dessins prennent des allures de sketchbook, où il dessine des lieux, des endroits de façon assez détaillés. Trondheim pas toujours si minimaliste ...

Bref une bonne BD, qui se regarde un peu le nombril, et qui sans atteindre la grandeur de son autobiographie, Approximativement, réussi à se démarquer des Carnets de bords, et à plutôt bien fonctionner de part l'ensemble de ses portraits d'auteurs de BD.
Coacho
Et bien voilà, je m’attaque à la lecture de la Collection Eprouvette et donc, j’ai commencé par mon chouchou Lewis avant d’attaquer le Menu. Un amuse-gueule quoi !
Je lisais de-ci de là, cahin-caha, quelques avis positifs, et d’autres plus circonspects. Je me suis dit qu’il fallait alors aller tranquille, que je chemine. (Oui, je sais, je suis d’humeur badine mais mon hilarante allusion ne touchera qu’une poignée de personnes, d’un certain âge pour la plupart).
On reproche à ce livre de ne pas répondre aux critères de « l’essai » tant attendu.
On reproche aussi à Lewis l’étalage de ses connaissances du milieu.
On dit aussi que sa réflexion est un peu vaine, un peu creuse, un peu superficielle.
Oui oui oui… Et alors ?
On en revient toujours à cette dichotomie systématique de l’appréciation d’une lecture, entre ceux qui la ressentent en amalgamant et superposant leurs expériences sur le propos de l’auteur, et ceux qui ont du recul, parfois trop pour ne pas se laisser aller à cette bonne vieille full-imersion. (Et là, ça fait zarma j’me la pète).
Je suis généralement de la première catégorie mais là, en l’occurrence, j’ai essayé d’être Lewis Trondheim, ce qui me fit en effet bœuf quand je découvris les gens que je connaissais et le talent inégalable que tous me louaient !
Et je me voyais là, assis à ma table à dessin, une table que je fréquentais plus qu’assidûment depuis 14 ans, en train de réfléchir depuis 80 jours d’inactivité sur ma vie et mon œuvre…
Ce questionnement qui taraude tout quadragénaire mêlé aux affres de la création.
Oui… La création… Certains parlent du vieillissement des boulangers (ce bon Berberian), et d’autres lui reprochaient cette façon de questionner vainement ses condisciples.
Alors oui, Lewis aurait dû interroger des boulangers, ça l’aurait assurément et définitivement rassuré sur ses angoisses créatrices. Il aurait trouvé le réconfort absolu dans une passe où sa psychologie ultra-sensible avait besoin de se confronter à des pains au chocolat (ou des chaussons aux pommes ?! Dju-Dju)…
Oui… Il y a similitude entre les boulangers et Lewis Trondheim… Le pétrin !
Car lorsque l’on est aussi fragile et sensible que Trondheim, lorsque depuis votre premier livre vous affichez vos doutes, vos angoisses, vos psychoses même, et que vous ne savez plus trop où vous allez, oui, vous êtes dans une forme de pétrin.
Et, reprenant la place de Lewis, comme invité par une société qui avait déjà par ailleurs ses entrées dans la tête de John Malkovich, je me laissais entraîner dans ce bourdonnement incessant qui enflait de son hémisphère gauche à son hémisphère droit…
Création et rationalisation étaient en effervescence…
Est-ce que cela permet une réflexion claire, construite, posée ?
Bien entendu, je me fais avocat défenseur de quelqu’un qui n’est accusé de rien et qui pourrait se défendre seul de tout cela, et le fait de trouver son questionnement bien ordonné dans ce petit livre bleu pourrait déjà répondre de manière contraire à ce que j’énonce, mais je me plais à croire qu’après avoir suivi Lewis depuis tant et tant d’années, sans jamais avoir été déçu une seule fois, je suis capable d’empathie… Et comprendre que son questionnement, qui peut paraître superficiel à tout lecteur désireux d’en savoir plus sur les facettes de son auteur favori, traitant de sa passion qu’est la Bd, puisse être tout aussi confus que léger en apparence.
La pudeur nimbe toujours les réflexions de Lewis Trondheim et, habilement, il se dédouane de toute profondeur en arguant qu’il n’est pas universitaire. Mais c’est vrai punaise !
Alors il ne cesse d’osciller entre la sensation de toucher au but, d’avoir LA réponse, et l’écroulement immédiat de ses théories les plus abouties…
Oui, je crois que psychologiquement, c’est analysable, mais le faire sur un forum public serait aussi vain qu’irrespectueux de l’auteur…
On pourrait évidemment se demander ce qu’il veut de plus puisque tout lui réussit, il est entouré de succès, d’admiration, et de pognon aussi ! Une vie matérielle et, apparemment, intellectuelle tout à fait éblouissante !
Oui, mais lorsque le doute n’est pas que passager, lorsqu’il vous accompagne toute une vie, au point d’en développer, jusqu’à l’irrationnel, un certain rapport à la vie, d’en faire une attitude quasi-permanente, vous ne pouvez pas vous défaire ainsi d’une telle pression psychologique…
Je citerai une phrase très juste d’un célèbre philosophe d’origine vietnamienne qui disait "qu’anticiper le malheur pour s’en prémunir" était une attitude qu’il comprenait très bien… Je m’inscris dans cette lignée tant cette phrase me paraît juste, belle, me correspondre et si bien aller à Lewis Trondheim…
Alors devons-nous attendre un quelconque choc psychologique, un truc qui nous remue ?
Mais Lewis ne dit-il pas que "être sincère ne veux pas forcément dire être intéressant ?" ? Et que donc, il ne faut pas attendre une jolie historiette, pleine d’humour, bien construite, avec une intrigue et une chute finale avec moult feux d’artifices à la lecture de « Désoeuvré » ?
Parce que c’est ce qui était peut-être attendu par certains lecteurs, désireux de retrouver non pas Lewis Trondheim mais LE Lewis Trondheim de telle ou telle œuvre…
A ce propos, ça me permet d’introduire une parenthèse, avec brio (oui, je me lance aussi parfois quelques fleurs), sur la prétendue implication de Trondheim dans le fameux parcours de Frantico… Ne serions-nous pas en mesure de croire qu’après avoir tellement exposé ses peurs sur la répétition, il serait capable de nous livrer cet incroyable personnage, tics graphiques et genèse mise à part ? Bon, je dévie là…

Dans « Désoeuvré », l’humour, l’acidité et l’ironie sont toujours présents, mais on sent bien que c’est beaucoup plus délicat, beaucoup plus à fleur de peau, toujours empreint d’une sincérité qu’il lui faut aussi voiler quelque peu par peur de trop d’exposition…
Parce que Lewis nous a habitué à tant de chose, nous devrions attendre de lui un questionnement digne de la profondeur des raisonnements de nos plus grands philosophes ?
Et si nous en attendions tous un peu trop ? Et si nous ne nous étions pas rendu compte que derrière son apparente complexité, Lewis était un homme simple, avec des peurs simples et une expression pour matérialiser celles-ci un peu confuse ?
Beaucoup soulignent l’homme de contradiction qu’est Lewis Trondheim… Mais oui, c’est cela… La contradiction en permanence et qui illustre mon propos d’il y a quelques lignes…
Ce qui montre bien « l’immaturité » de son introspection, dans le sens qu’il n’a toujours pas trouvé de réponse à ses angoisses et qu’il semble un peu perdu, dans son parcours professionnel, mais aussi d’homme qui s’interroge sur son devenir et son utilité !
Et ce Lewis là, on a envie de lui prendre la main et de l’aider, au delà des belles cases de ce livre, de certaines ellipses magnifiques qui nous font comprendre son désarroi, de l’aider donc, et de le rassurer, en lui assurant de la sincérité de toute notre affection, conquise il y a déjà fort longtemps, par son énergie, son univers, pour ce qu’il est, simplement…
Alors non, pour moi, cette lecture ne fut pas si anodine et anecdotique qu’elle pourrait paraître, et je pourrais sûrement écrire encore de très nombreuses lignes si le temps et l’espace ne m’étaient pas comptés…
Le livre « Désoeuvré » est-il passionnant ? Oui ou non, c’est à vous de vous faire votre idée…
Lewis, lui, est DEFINITIVEMENT passionnant, et la fin de son « essai » nous replace au début de celui-ci… Lewis ne sera jamais en harmonie avec lui-même car le doute continuera de le ronger éternellement, au point de le rendre dépressif… Remercions insidieusement et presque honteusement ce mal qui le ronge car c’est dans cette veine qu’il puise l’inspiration qui lui permet de nous livrer de si beaux livres…
monastorio
LEWIS TRONDHEIM et la chouette bande de dépressifs.

Lewis Trondheim, on le présente plus, c’est le génie ultime, le Goscinny du vingt-et-unième siècle, sauf qu’en plus, il sait dessiner un peu mieux. Il y a quelques temps, Lewis nous annonçait, la mort dans l’âme, qu’il arrêtait de dessiner, frustrant et violentant un public en rut. Les midinettes s’évanouissaient, les fans pleuraient, mais lui, serein et beau, n’écoutant que son intégrité, tuait Lapinot, son personnage principal, et s’enfermait dans sa tour d’ivoire avec femme et enfant, pour méditer sur l’ingratitude humaine en se lançant dans la supervision des séries d’animation adaptées de ses personnages à succès.

Il avait bien raison, Peyo a fait ça aussi, ça rapporte bien.

Et puis, parce que Lewis, la BD, il a ça dans l’sang, c’est plus fort que lui, c’est un auteur, un vrai, un bien, tu comprends mon cousin ? Il est revenu au dessin. A la Bande Dessinée.

Ca vous rappelle rien ?

« Et puis l’année d’après je recommencerai,
Et puis l’année d’après je recommencerai,
Je me prostituerai pour la postérité »
(Ah, Daniel, tu sentais tout, toi).

Alors, toujours rien ?
Bon, c’est pas grave, on peut très bien vivre sans culture. Bref, Lewis nous sort un tout beau nouvel album dans la lignée des Carnets de bord sans intérêt qu’il avait fait chez l’Association (toujours imitée, jamais égalée), mais… dans une nouvelle collection !

Et quelle collection, puisqu’il s’agit de la collection « essai » de l’Asso, qui, une fois de plus, innove. Donc, Lewis profite de ce format inédit pour refaire exactement la même chose qu’avant, dans ses carnets de bords (c’était bien la peine de créer une nouvelle collection…), soit, finalement, exactement ce qu’il avait fait chez Cornélius avec les « Approximative Continuum Comix » (reliés dans l’excellent album « Approximativement », toujours chez Cornélius).

Oui, mais non, c’est pas tout à fait pareil en fait, parce que, bon, oui d’accord, il nous raconte sa vie, dans son « nu le plus blême » (JJ Goldman), mais attention, c’est un album sur un sujet nouveau. Et quel sujet !

En effet, pour la première fois, dans l’histoire de la Bande Dessinée d’Auteur (et de la BD pas d’auteur aussi), on va nous parler de la crise de la quarantaine chez l’auteur de bande-dessinée.
Parce que, soyons clair, si des albums sur la crise de la trentaine en bande-dessinée, on en à dégueuler, sur la crise de la quarantaine… Niquedouille ! (à part, le merveilleux « Quelques jours à l’Amélie » de Jean-Claude Denis, mais n’en parlons pas trop fort).

Lewis Trondheim révolutionne donc une fois de plus la bande-dessinée (ça doit être fatiguant à force) en nous lâchant dans la gueule le problème ultime du dessinateur en plein force de l’âge : l’angoisse de la décadence. Et c’est avec toutes la rigueur du zoologiste de documentaire animalier, que Lewis, grâce à l’ordinateur, son ami, et à internet, mon cousin, se lance dans une grande enquête, digne des grandes heures de l’ORTF.

A coup d’échanges de mails avec les grands de ce monde (de la bande-dessinée) et de rencontres de festival, il va décortiquer ce fléau qu’est le cap de la quarantaine. C’est creux, c’est vide, mais c’est l’occasion pour Lewis d’illustrer, l’air de rien, un des mythes favoris du monde de la bande dessinée, mythe dont il est le plus ardent défenseur à l’heure actuelle : la chouette bande de copains.

La chouette bande de copains, vous en avez forcément une vague idée si vous avez un tout petit peu jeté un œil dans la bande-dessinée depuis Jijé (soit la grande époque du magazine Spirou) à nos jours. Jijé à nos jours, ça sonne bien… Bon, passons.

La chouette bande de copains érige en dogme que le monde de la bande dessinée, c’est super sympa. Les Auteurs de bandes-dessinées sont tous des grands enfants qui sont tous potes et qui rigolent bien tous ensemble et non, on parle pas d’argent, ça existe pas, et on fait pas caca comme tout le monde, on est Auteurs de bande-dessinée. Les éditeurs sont sympas, les attachées de presse sont hyper sympas, les journalistes sont ultra sympas. Tout est incroyablement sympa dans le monde de la bande-dessinée.

Et puis, surtout, on est tous copains entre auteur.

Joann Sfar vit dans ce monde là , Craig Thompson vit dans ce monde là, Lewis Trondheim vit dans ce monde là, et ça va finir par se savoir, vu le nombre de carnets complaisants qui se publient…

Alors voilà, dans sa petite enquête sans intérêt sur la crise de la page blanche chez le quasi-chauve de plus de trente-neuf ans, Lewis tente le grand écart ultime pour lier dans une seule et même communauté d’esprit l’époque Spirou à l’ère Poisson-Pilote. Bref, un grand concentré de name-dropping où brillent les mails d’Yvan Delporte, mémoire vivante d’un monde disparu, le Spirou du grand André Franquin.

Ca ressemble à du révisionnisme phylactérien, à de la propagande franco-belge, mais c’est plus fort que ça, c’est nouveau, ça vient de sortir, c’est le Légendationnisme. Ce ne serait pas trop gênant, si en procédant de la sorte, Lewis prenait bien soit de ne pas nommer ceux qui pourraient faire de l’ombre à sa vision de la Légende. Les Van Hamme, Léturgie et autres…

On ne peut pas nommer tout le monde, me répondra-t-on. Mouais. OK, je n’ai rien à répondre à cela. N’empêche qu’on ne m’ôtera pas de l’idée que le Légendationnisme existe et que cet ouvrage en est un témoignage frappant, au même titre que les courbettes de Sfar devant le géant Moebius (dans ses carnets édités à l’Asso), participent à cette œuvre d’auto-reconnaissance historique consistant à ostraciser l’autre (le commercial) et à phagocyter le personnage historique.

Heureusement, Lewis dérape.

Et il dérape bien.

Croisant Fred au hasard de ses pérégrinations festivalières, Lewis se fait insulter par celui-ci, mais Grand Prince, il passe l’éponge « connaissant la grave crise de créativité que subit le malheureux Fred ».

Et ça, c’est dégueulasse.

Sous couvert de grandeur d’âme, le bon et gentil Lewis enfonce un bon couteau dans le dos à Fred, qui n’avait sûrement pas besoin qu’on aille déballer ses éventuelles impuissances créatrices. De quel droit, monsieur Lewis, sous prétexte qu’il se plaît à déballer son intimité d’auteur, va-t-il se lâcher sur celle des autres, façon de dire, l’air de rien, « les gars, pas la peine d’attendre le prochain Philémon, le vieux, il a plus rien sous la semelle ». Et en plus, ça se donne le beau rôle, le preux chevalier que l’attaque du lépreux ne touche pas, « le pauvre, vous comprenez, il souffre ».

Mais mon gars Lewis, toi qui nous a joué la scoumoune avec ton éducation religieuse, on t’a pas dit, à l’époque, que c’était pas bien de tirer sur les ambulances ?

Bref, s’il y en a qui en doutaient encore : Fred n’aime pas Lewis et Lewis n’aime pas Fred.

Autant de plomb dans l’aile pour la chouette bande de copains.
Au cul la chouette bande de copains.

Vous l’aurez compris, ce condensé de mails et de réflexions psycho-historico-réflexonico-autobio-graphico-tragique, n’apportera rien à la gloire du grand Lewis. Une ligne de plus sur la liste des albums parus, une pierre de plus au mur de Berlin de la vraie belle bande-dessinée d’auteur depuis Toepffer jusqu’à nos copains les auteurs, mes amis, et peut-être la bonne conscience d’avoir une fois de plus rénové la bande-dessinée, bon dieu que c’est fatigant, je vais me coucher.

Je pouvais m’en passer, vous pouvez vous en passer, on s’en passera.

Quant à monsieur Trondheim, s’il arrêtait un peu ce genre d’exercice prétentieux pour se livrer à ce qu’il fait le mieux, c’est à dire à des histoires simplement destinées à donner du plaisir et du rire au lecteur, il se poserait sans doute moins de questions quant à la longévité de sa création.

Si jamais il devait caler un jour, qu’il se rassure, je n’irais pas le crier sur les toits.




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