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Sainte-famille de Xavier Mussat

Bandes Dessinées : auteurs, séries, et toutes ces sortes de choses... ]


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Pages : 1

crepp, 06.08.2005 à 10:47213720
Lu le bouquin hier, je suis loin de ceux qui ont énormément aimé, et loin de ceux qui ont détesté.

Les points très bons: Je rejoins Malo, c'est l'écriture de Xavier Mussat qui m'a le plus emporté. Il y a une sincérité qui se dégage de cet album, elle est touchante. Ce n'est pas lacrymal du tout, c'est juste "vrai". De plus je me retrouve dans quelques passages, mais là c'est vraiment des raisons personnelles qui font apprécier l'album.

Les points moins bons: Une répétition qui a pour but d'assener son message. Les coups de boutoir c'est bien, mais ça fait un peu mal à la tête :o) J'ai fait une pause au milieu de l'album pour attaquer de nouveau la lecture.
Une chute qui n’est pas une chute, avec en plus un épilogue qui aurait mérité un plus grand développement. Enfin difficile de ne pas comparer pendant la lecture à L'Ascension du haut mal de David B et au Journal de Fabrice Néaud. Le problème c'est que ça reste un bon ton en dessous de ces deux oeuvres.

J'ai vraiment pris un plaisir à lire "sainte famille", mais je ne sais pas si un jour je compte le relire (d'où les 3 étoiles).

chrisB, 15.06.2005 à 20:46207531
treve de plaisanterie. Voici un excellent album qu'il faut lire, Xavier mussat joue avec les symboles (et il joue bien) pour nous présenter une autobio assez differente dans le propos de celle que j'ai pu lire jusqu'ici. Ici on est pas dans la franche rigolade, mais dans l'introspection pure et dure. 4*

Matthieu, 11.04.2005 à 20:50200440
ayé, suite a cette discution, j'ai fini par l'acheter (et le lire). Comme dit malo c'est remarcable au niveau de la réalisation et le propos me parait carrement intelligent.
curieusement ca m'a fait un peu le meme effet que les auto-psy de mattt konture, alors que s'en est plutot eloigné...
quoi qu'il en soit, je conseille vivement la lecture de cet album.

malo, 22.02.2005 à 13:46195287
Je viens de la finir. j'ai trouvé ça remarquablement bien écris!!! Mussat parviens à captiver son lecteur simplement avec l'élégance de son ecriture. Et le dessin est excellent. une très bonne surprise ( j'y avais été un peu à reculons).
Par contre je peux comprendre qu'on adhère pas. mais la démarche et la réalisation son irréprochables.

Augustin, 17.02.2005 à 12:06194675
"Là ou d'habiles auteurs tournent en rond autour des récifs en prenant soin de les éviter, dévoilant au passage leurs manoeuvres pas toujours très subtiles, (…)"

Des noms! Des noms! lol

Augustin, 17.02.2005 à 12:04194674
Oui, je parlais du roi.

june, 17.02.2005 à 10:56194661
Ouais, il y a des tonnes d'introspections un peu roublardes, un peu lacrymalo-foireuses, qui ne s'en sortent que grace a une mise en place d'artifices savamment distillés (renfort d'un cheminement graphique frais, voir inédit, namedropping socio-familial outranciers, démontage en régle), mais je ne vois pas Sainte-Famille comme autre chose qu'une oeuvre sinçère (là encore, bien heureux qui pourra affirmer ou contredire, peut on trépanner l'auteur pour de plus amples informations ?), et en tout cas touchante, sans esbrouffe.

Là ou d'habiles auteurs tournent en rond autour des récifs en prenant soin de les éviter, dévoilant au passage leurs manoeuvres pas toujours très subtiles, Mussat nous largue une bonne tranche de vie, pas plus larmoyante que ca, simplement juste, et suffisement ouverte pour que l'on y pioche ici ou là des points de vue sur lui-même qu'on peut parfois même assimiler de son coté.

Ce sentiment de manque quasi-vital d'un proche, qui peut tantot faire office d'accélarateur d'acceptation des choses de la vie, tout comme de retardataire selon les situations vécues, je l'ai trouvé exprimé de manière vraiment touchante sans etre niaiseuse, j'ai pas trouvé que Mussat en faisait trop, je l'ai trouvé plutot vrai, plutot juste, plutot tel quel, et basta, sans extra de complaisance ni supplément d'émotion a la con. En tout cas, j'ai retrouvé des vrais morceaux d'etats d'ame qu'il m'est arrivé d'avoir, et j'admire Mussat pour avoir eu le courage d'aller au fond, pour gratter un peu pour voir s'il n'y avait pas, sous la couche de merde, un peu de cette energie de vie qu'il est necessaire d'avoir pour faire le menage. Tout ca sans verser une larme ou avoir envie de m'appitoyer, moi je tire mon chapeau de petit lecteur.
Le seul truc qui m'ait réellement gêné, est d'ordre tout personnel : j'ai eu besoin de quelques pages pour m'acclimater a certaines manières de donner des visages, des tronches effectivement a contrecourant avec ce que j'oserais qualifier d'"education", moi qui n'ai jamais vraiment succombé aux courants franco belges ou le "gros nez" pouvait etre autre chose qu'un détail graphique humoristique ; du coup, il m'a fallu accepter le truc, et je dois dire que je chipotte : très vite, j'ai oublié ce truc qui me genait un peu en début de livre, et ce fut parti... Le trait de Mussat est tout ce qu'il y a de plus correct, aucun soucis d'un point de vue graphique, ou meme narratif, non plus.

On est pas dans le pathos gratos, on est dans le partage, sans que l'auteur n'impose quoique ce soit, y compris un eventuel positionnnement par rapport au resultat de cette presqu'auto-analyse ; en cela, ca se distingue effectivement de pas mal de points de vue qui tombent tout cuits, ou l'auteur balance sa version toute prete, tenez mes braves gens, pleurez, riez, mais acquiescez, surtout...
Nan, là, on lit, on y trouve son compte, ou pas, d'ailleurs, peu importe, c'est là, et puis voila, c'est l'essentiel, eet c'est deja beaucoup.
Moi j'ai trouvé que ca sonnait juste, réellement juste, et pas que désespérement juste.

Xavier, si tu nous lis, tu peux nous envoyer quelque chèque, ou bien demander aux bullechefs un bullevirement de bullepoints, parce que là, y'a quand meme de quoi alimenter les bulleschroniques, mine de crayon... 8°

malo, 17.02.2005 à 9:19194648
Augustin, tu semble preter à Baudouin une intelligence qu'il n'a pas :o)
à moins que j'ai mal compris et que tu ne parlasse du défunt roi Belge...

Augustin, 17.02.2005 à 9:03194646
Comme le dit BigBen, l'une des questions centrales n'est pas tant "maman, maman" que le père absent. Père absent, mère présente, écrasante sous le reproche que le fils fait sien au départ pour s'apercevoir ensuite que les choses ne sont pas si simples…

Augustin, 17.02.2005 à 9:00194645
J'espère qu'il n'y a pas que deux lectures "possibles" de ce livre… Mais, comme de tout livre important, des milliers, autant que de lecteurs, en fait.

Concernant la difficulté narrative… Hum. Je pense avoir donné un éclairage possible. Nous sommes bien (en partie) dans l'imagerie d'Epinal qui fait tant horreur (partisanement) à Lldm… Il s'agit bien "d'une vignette/un texte". Cela demande juste une autre attention que pour la plupart des bandes dessinées actuelles.

Finalement, je trouve Mussat très moderne, en rupture totale avec ce que nous lisons déjà et avec lequel nous sommes habitués: la fluidité. Que certains indés semblent avoir redécouverts comme une poule trouve un couteau, en pensant que faire "classique" dans la narration est une nécessité pour faire passer un fond souvent difficile, quand il n'est pas indigeste.

Bref, pas de ça chez Mussat. Finalement, il sélectionne son lecteur dès le départ. Grande exigence. Faut juste s'accrocher. Et je suis convaincu que les "réponses" (s'il y en a!) viendront dans ses livres suivants.

Après tout, Baudoin fait bien de même, d'une autre manière, avec son puzzle géant qu'est toute son œuvre.

Sylvain Ricard, 16.02.2005 à 18:36194604
si mes souvenirs sont bons, ce livre était en selection "meilleur premier album" a angouleme 2003.
En tous cas, à lire la chronique et les réactions dans ce topic, y'a effectivement deux manières de voir le livre franchement opposées.
Allez hop, je vais le lire ce WE

BigBen, 16.02.2005 à 17:46194602
Alors voilà. J'ai lu aussi la critique de lldm. donc, pour donner un point de vue différent, voici l'article que j'avais fait dans le Comixclub n°1 (Groinge, janvier 2004).

Sainte Famille, Xavier Mussat

Encore un chef-d'œuvre d'Ego !

Déjà, en tant qu’objet, ce livre impose sa présence : grand format, épaisseur conséquente, il n’invite pas à la légèreté ! On y découve une écriture lourde de sens et des images éloquentes, souvent illustratives du texte, comme pour mieux enfoncer le clou, comme si cette quête de soi-même devait pénétrer toujours profondément dans l’esprit.
Pourquoi, moi qui demeure méfiant face à l’invasion du récitatif en Bande Dessinée, suis-je ici séduit, voire fasciné? L’écriture très littéraire de Xavier Mussat y est certes pour quelque chose. Mais elle ne serait rien sans ce dessin aux fines hachures, touchant par son humilité, déclinant toute virtuosité pour aller chercher la grâce et la force d’un moi enfoui. On sent que l’homme est là, prêt à naître à nos yeux.

Le début n’échappe pas à la scène classique de tout récit autobiographique : l’auteur raconte sa naissance. C’est une naissance aux forceps, prédestination d’une vie forcée, où affronter le regard d’autrui est un enfer quotidien.
Xavier Mussat n’est pas tendre avec lui-même. Il se décrit au début comme un indécis, un lâche, un raté. Tout au moins c’est ce qu’il lui arrive souvent de croire. «Et puis arrête de t’excuser, c’est chiant à la fin!» lui lance Lydie, son ancien amour, dont le regard désabusé n’est plus que lucidité.
Mal être, culpabilité, honte, tous ces sentiments clairement nommés imprègnent le récit dès les premières pages et mènent directement à «celui que j’ai souvent incriminé», le père. Sainte famille tourne autour de cette figure centrale et se résume à cette question traumatisante: Pourquoi est-il parti ? L’absence de réponse entraîne l’adolescent et le jeune adulte désemparé dans un vide ontologique : le modèle familial, si parfait, si rassurant, a volé en éclat, les saines et saintes valeurs familiales qui le soudaient s’effondrent brutalement pour laisser place à un silence effroyable où la conscience s’abîme.

Dès lors, le jeune Xavier se cherche. Il creuse sous les ruines pour trouver un sens. Il déchiffre dans le paysage l’ambiguïté de l’Histoire. La nature humaine est double : la collaboration sous Vichy n’était pas un accident. A tout moment, sous le vernis de la civilisation, peut jaillir la violence, la bêtise, la force brute. Le jeune Xavier, collégien malmené, tente de s’épanouir au lycée. Il fait des choix : attitude rebelle et panoplie punk, option artistique, amitiés intellectuelles, c’est le début d’une reconstruction qui se fait contre le modèle familial incarné pas son père tant haï et sa mère si cruellement trahie, victime idéale sur l’autel de la babarie humaine toute puissante.
Mais ces choix, même s’ils sont fondateurs, se font dans la souffrance. Mis à part quelque rares personnes, l’adolescent fait le choix de la solitude, de l’exclusion, rejetant la société bien pensante de ses camarades, et l’amour immense et généreux de sa mère. Ce repli sur soi traduit certes un profond malaise mais aussi et surtout exprime une volonté vitale de se retrouver : se comprendre, se saisir soi-même, recoller les morceaux d’un moi brisé. C’est une véritable auto-analyse que mène l’auteur dans cette œuvre autobiographique, s’autorisant ainsi de contredire in fine tous les discours pessimistes dont il s’est fait l’écho.
Et c’est ainsi que les rares moments de paix, souvent synonymes de communion sincère (avec quelques amis, avec Olaff l’ermite et père spirituel, avec sa mère) prennent un relief saisissant. Et surtout, quelques pages magnifiques, hymne d’amour à sa mère, semblent mettre à nu le cœur même du récit, cette vie intime que l’on cache aux autres et à nous même parfois, cette foi et cet idéalisme irréductible que l’on dissimule mais qui bat si fort, tout cet amour que l’on crève de ne pouvoir donner. Ce nœud vital et si précieux, Xavier Mussat tente de l’atteindre par l’exercice de l’écriture.
Trouver le mot juste, c’est déjà avancer d’un pas vers l’appaisement et la réconciliation. Réconciliation avec lui-même, qui passe, ultime équilibre, par la réhabilitation de ses deux parents: «Juillet 2001. La nuance est toujours ce qu’il y a de plus dur à atteindre. J’essaie à présent de réintégrer mes deux parents. Sans reproche ni adulation, ne voir en eux rien d’autre que deux êtres humains.»
Big Ben

gugu, 16.02.2005 à 13:59194574
J'ai lu Sainte Famille un peu par hasard parce que je trouvais le dessin assez attirant pour ne pas dire intéressant. Juste pour découvrir en gros. La première lecture m'a assez plu et j'ai trouvé l'histoire de cette famille et l'introspection du narrateur assez touchantes. Les problèmes sont apparus à la seconde lecture. Le graphisme même si il me plait toujours ne m'a plus vraiment paru coller avec le récit. Puis cette volonté de vouloir tout illustrer par une vignette, un texte une vignette, me semble rajouter des lourdeurs dont le récit se serait bien passé. Certaines vignettes se suffisent à elles mêmes, certains textes également, par moment, ca ne colle pas. Finalement, les difficultés narratives m'ont paru assez importantes pour me gacher ma relecture. Il pose des questions en début d'ouvrage auxquelles il ne répond pas par la suite, ou très vaguement, ou de manière un peu trop psychanalitique pour que je les comprenne, ca vient peut être de moi. Je trouve son récit assez décousu au final, je n'ai simplement pas réussit à finir le livre une seconde fois. C'est assez dommage.
Ce n'est peut être qu'une question de gout ou une mauvaise compréhension de ma part. Xavier Mussat a-t-il fait d'autres albums ? J'aimerai quand même mieux connaitre ce qu'il fait.

chrisB, 16.02.2005 à 12:46194571
>> Le postmodernisme en art? Assez simple… C'est une attitude qui consiste à croire que tout ayant déjà été fait, on s'en remet à la citation souvent teinte par le pénible, omniprésent et indémontable second degré. Cela s'accompagne essentiellement d'une croyance que toute représentation "naïve" (au premier degré) est devenue non seulement impossible mais risible. Finalement, cela donne beaucoup de "critiques" (souvent branchés et cyniques, style lldm) et très peu d'œuvres, du moins d'œuvres dignes d'intérêt…


Ptain si maintenant on apprend en plus des trucs sur bubulle... :o)

Augustin, 16.02.2005 à 12:41194570
"Mais la critique de lldm m'avait paru soulever également des points pertinents (même si je n'étais pas forcément d'accord)."

Oui, pertinents en général pour la bande dessinée en générale… Très peu pertinents pour celle de Mussat.

Le postmodernisme en art? Assez simple… C'est une attitude qui consiste à croire que tout ayant déjà été fait, on s'en remet à la citation souvent teinte par le pénible, omniprésent et indémontable second degré. Cela s'accompagne essentiellement d'une croyance que toute représentation "naïve" (au premier degré) est devenue non seulement impossible mais risible. Finalement, cela donne beaucoup de "critiques" (souvent branchés et cyniques, style lldm) et très peu d'œuvres, du moins d'œuvres dignes d'intérêt…

Docteur C, 15.02.2005 à 12:31194440
Je n'ai pas lu ce livre donc je ne rentrerais pas dans le débat à proprement parlé mais une question me taraude:

Augustin, qu'est ce que le "postmodernisme dans l'art" pour vous?

MR_Claude, 15.02.2005 à 7:31194406
jolie réponse, en tout cas, au moins aussi enflammée que la critique initiale. Moi je fais partie de ceux qui ont plutôt apprécié (voire même très beaucoup) Sainte Famille, et je tendrais plus de ton côté.
Mais la critique de lldm m'avait paru soulever également des points pertinents (même si je n'étais pas forcément d'accord).

Augustin, 15.02.2005 à 5:04194405
Je crée ce sujet en ouverture à ma première intervention dans ce forum… Je le crée car j'ai trouvé que ce livre été très touchant, assez éloigné, finalement, d'une certaine "mode" autobio récente et aussi parce que j'ai été choqué par la critique de lldm… Choqué, car, comme toute critique négative (et là, vraiment, ça taille sec), elle tombe souvent juste un peu à côté de la vérité et détruit plus sûrement que les débris de l'obus qui frappe touche la cible.

"(…) quoi de plus pitoyable qu'une fausse introspection critique masquant mal une vanité sans borne, qu'une boursouflure intégrale avançant derrière l'apparence de l'humilité?"

C'est totalement faux. Je ne vois pas en quoi un lecteur peut décemment juger qu'une introspection est "fausse" ou non ou qu'il s'agit là d'une "apparence d'humilité". Certes, il est seul à juger du pacte autobiographique et l'important n'est pas la vérité des faits mais que cela "sonne" juste… Et si ça sonne faux pour lldm, qu'il rappelle bien que ceci est subjectif (sa lecture) tout autant que la vision de l'auteur. Bref, pas d'apparente humilité à mes yeux: il me semble, bien au contraire, que Mussat a parfaitement conscience de ce qu'il met en place, même de sa vanité. L'ensemble de son récit est construit même autour de la vanité, au sens classique du terme.

"Mussat nous propose un récit geignard et pathétique, embourbé dans une écriture pompière de Homais ; maniéré, pleurnichard, laborieusement verni d'une hypercorrection risible, incapable même de mettre ces faidaises en bande dessinée : plat diaporama d'illustrations figées pour ce sous-texte qui célèbre l'enlisement avec une complaisance dégoûtante."

C'est n'importe quoi. Et ce que je note, moi, c'est que cette critique retrace tous les poncifs éculés de… la critique elle-même! A aucun moment on nous parle du livre, là, mais de soi-même. Lldm ne parle que de lui, ici, pas du livre.

Geignard? Pathétique? Maniéré? Plat diaporama? Oui. Sainte-Famille est tout ça à la fois. Et alors? Qu'est-ce qui fait que tout cela me l'a rendu touchant à moi? N'a-t-on pas le droit d'être pathétique, de pleurnicher, de geindre et de se plaindre de son sort? Quand on le fait avec talent? Car c'est le cas. Tout ce que dit Lldm ici ne tire pas un trait sur la qualité d'un livre. Pour moi, cela n'a rien d'une chose défintive et négative.

Assez de ces récits où l'on nous cause comme de derrière le voile, toute honte bue et toute introspection terminée! Pourquoi une autobiographie (familiale) devrait être faite qu'à partir du moment où la "thérapie" aurait dû être finie, efficace et médicamenteuse? Mussat se montre geignard… Et alors? Il montre ce qu'il est, ce qu'il fut, ce qu'il est constitutivement, peut-être. Si c'est un défaut humain (qui sait?) Ça n'en fait pas forcément (à mes yeux de lecteur) un défaut de méthode de narration ou de placement du sujet.

Pourquoi le sujet racontant (narrateur) devrait-il être aussi parfait que "le point de vue de Dieu" idéal du narrateur en littérature classique? C'est quoi cette vision datée? Non, Mussat se montre en cours de construction de lui-même. Ses défauts d'homme n'en font pas des défauts d'artiste. Pas pour moi, en tout cas. Bien au contraire. Je le trouve bien plus émouvant, d'ailleurs, que tous ceux qui "se" racontent comme s'ils étaient déjà les docteurs es-eux-mêmes, comme il y en a tant… Et qui ne nous apprennent rien qui ne soit déjà clos sur le prix global de la thérapie terminée.

"Hypercorrection risible"? Bof. Oui, la langue de Mussat est un peu empâtée, peut-être… Les phrases un peu lourdes… Et alors? S'il devait y avoir un défaut, serait-ce celui-ci? Peut-être. Mais ça va très bien avec son récit lui-même trébuchant, le sujet "faisant du surplace" comme dirait Barthes… On piétine, on revient, on rumine… Oui. Et alors? La rumination ne peut-elle être aussi une méthode? Il faut toujours être clair, limpide, faire des phrases courtes accessibles à tous et aller "droit au but"? C'est de la méthode crétinisé de journaliste, ça, pas du défrichement de boîte noire de l'Inconscient qu'explorent seuls les vrais auteurs. Mussat prend un risque: de celui du pionnier. Ne pas faire du trash gratuit ni du choquant. Raconter la médiocrité, le faire comme un écolier, et s'autoriser le lyrisme au passage.

(J'ai aimé cette rumination. Et j'attends la suite. Et quand je dis que j'attends la suite, ce n'est pas dans l'espoir de ces saintes "résolutions"-ficelles de fiction qui nous emmerde (ah? le narrateur finit par se libérer de ce qui l'étouffe?"). Non.)

"Dix périphrases sur l'engourdissement angoissé qui obscurcissent ce qui n'est que de la paresse banale..."

Ah ouais? Je n'ai pas vu ça, moi. Et, encore une fois, la "paresse banale" a aussi le droit de citée. Surtout quand elle est racontée comme ça.

"Des envolées sur l'adolescent qu'on était qui trahissent l'inaptitude à saisir l'adulte qu'on est devenu..."

Ça, c'est vraiment de la tournure journalistique de merde…

"J'en passe et des pires, maman, le petit Jésus, les rêvasseries triomphales d'images d'Epinal, maman, les livres mal lus, maman, maman, maman."

Ben si certains critiques on un "complexe d'Œdipe" avec la religion chrétienne, qu'il ne dégoûte pas les autres d'essayer de le résoudre à leur façon… C'est ne rien comprendre à tout travail narratif et graphique que de faire une critique pareille. L'image d'Epinal et l'un des cœurs battants du travail de Mussat… Et clairement dans Sainte-Famille où ses répétitions ne peuvent ni être un hasard ni une simple incapacité à s'en extraire. Il y a de très belles réactivations du "cliché" (Epinal) chez lui. Toutes ses images deviennent un tarot de Marseille personnelle: métaphore graphique. Quant à "maman"… Hé bien, je crois que c'est l'un des plus cruels portraits de mère vu jusqu'à présent dans la BD autobio. Rappelons que les autobiographes actuels parlent assez peu de leur famille, en fait, curieusement…

"Le tout est enrobé d'un dessin pataud, une sorte de fanzinat à gros nez à laquelle un graphisme d'écolier appliqué sert de cache-misère."

Que c'est mesquin comme critique!… Le style de Mussat est d'une élégance pleine de tact. Je soupçonne certains critiques de détester le "gros nez", tout simplement, et de n'y rien comprendre. Il y a des dessins d'une pure beauté graphique, avec le côté justement un peu apprêté qui sied parfaitement avec le quasi-piétinement du personnage qui n'en finit pas de ne pas en finir avec lui-même. Et avec son passé. C'est une esthétique difficile à admettre. J'y trouve pour ma part une tentative de renouer avec des méthodes de narration très anciennes… Une sorte de contre-modernité. Difficile d'y adhérer quand on surfe en permanence sur l'écume de la vague post-moderne de l'indigence… Sainte-Famille, c'est comme si un auteur d'un passé indéterminé avait fait son œuvre dans son coin, à l'écart de toute autre influence que les "images d'Epinal" (justement!) qu'il aurait eu sous la main… Et c'est tant mieux.

Concernant le fond, il y a des moments d'analyses très justes de cette époque de soixante-huitards pénibles qui voulurent éduquer leurs enfants avec une foi de charbonnier dans la naïveté d'un eden libertaire qui s'échoua contre le mur du principe de réalité: les limites du rêve lui-même. Car le libertarisme est un choix politique qui nécessite l'exil dans la jungle et ne peut se concilier avec le confort petit-bourgeois d'une belle maison construite en parpaing Bouygues: ce que firent ces parents. D'où le père qui disparaît, n'en pouvant plus, étouffé par ce rêve d'adolescent qui se fracasse. Sans toit ni loi. Non, la communauté vu comme ça, ça ne fonctionne pas. Mussat nous le montre, Mussat nous le dit. Et il planque un flingue dans son cartable.

A l'époque où seuls les récits d'incestes ou de viols sont les seuls à intéresser le plouc moyen, les récits de road movie de prostitués, d'errance sexuelle et de drogue, il était vital qu'apparaisse un tel récit: celui d'une sorte de quasi white trash français, racontant l'échec de la vie de bohème de ses parents, des parents banals, justement, qui n'allèrent même pas au bout de leurs petits rêves tant ils durent "consommer" 68 à l'époque comme rêve d'avoir une Tzara-Picasso aujourd'hui. Récit de la médiocrité au cœur duquel naît un être qui aspire à traquer au-delà de ces petits rêves des rêves plus vastes… Et échoue lui-même.

Quoi? Faut-il donc tout "mettre en scène" avec des "non-dits" résolus dans des "silences graphiques"? Non. Le "diaporama" de Mussat EST aussi de la bande dessinée. Une certaine bande dessinée: qui renoue avec la vignette médiévale, parfois (non pas dans ses citations strictes); d'où ce gauffrier radical, pas toujours définitif mais y revenant comme un ostinato. Une image, un texte, une image, un texte. C'est obssessif. Le tressage se fait ailleurs. On pourrait presque faire un oubapo de cette histoire et le même récit rejaillirait: celui d'un enfermement dans la névrose, d'une tentative de libération toujours ramenée au passif du passé, comme une balle de jokari.

Qu'on ne puisse pas avoir la générosité d'entrer soi-même dans cet enfermement n'enlève rien à la légitimité de cette méthode de narration ni à la beauté singulière de ce livre. Gageons que des lecteurs moins blasés et moins pollués par le post-modernisme ambiant sauront trouver dans cette œuvre une fontaine où se désaltérer.

Augustin, 15.02.2005 à 4:03194404
Je crée ce sujet en ouverture à ma première intervention dans ce forum… Je le crée car j'ai trouvé que ce livre été très touchant, assez éloigné, finalement, d'une certaine "mode" autobio récente et aussi parce que j'ai été choqué par la critique de lldm… Choqué, car, comme toute critique négative (et là, vraiment, ça taille sec), elle tombe souvent juste un peu à côté de la vérité et détruit plus sûrement que les débris de l'obus qui frappe touche la cible.

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