Dans Les Hélvétiques, Corto Maltese remarquait déjà que, de Paracelse à Jung, la Suisse était plus onirique que ses banques ne le faisaient voir. D’une certaine manière, le Zürichois Sambal Oelek s’inscrit dans cette tradition, avec une obsession du symbole remarquable, obsession graphique que d’aucuns trouveront kitsch, mais un kitsch assumé, de bon goût assurément (osons l’oxymore) et à coup sûr éloigné des modes. Car il faut bien voir que, derrière son travail narratif biographique, ici en rapport au richissime baron Gaspard Stockalper de la Tour, Sambal Oelek joue constamment sur un double effet tabulaire : les deux planches du livre ouvert fonctionnent comme un tableau qui met en scène, à chaque fois, en palimpseste et à la manière d’un Dali, un animal. On retrouve également chez Sambal Oelek une continuation de la peinture naïve suisse qui rappelle mystérieusement les poyas (montée à l’alpage) et la lecture déambulatoire qu’elles induisent, comme de la bd primitive en somme. Ça a l’air d’une gratuité totale ou d’une préciosité maniériste mais il s’en dégage toujours un sens. Caché, justement. C’est pour cette originalité graphique unique, loin des conventions et des effets de manche photoshop (Sambal Oelek n’a que des pinceaux) que Castagniééé est fier de contribuer à faire connaître le vénérable Sambal Oelek dans le monde francophone. Les Allemands sont déjà au courant.